
L’interculturalité n’est pas seulement affaire d’expatriés ou de membres d’équipes multiculturelles : elle est avant tout question d’ouverture à l’Autre – dans tout ce qui fait sa spécificité et sa différence – et donc d’ouverture à Soi puisqu’elle offre à notre intelligence et à notre sensibilité un véritable (et passionnant) défi à relever.
Or, qui dit défi à relever dit obstacles à surmonter. Voilà qui signifie s’armer de courage et affûter notre créativité pour exploiter au mieux toutes nos ressources et en créer de nouvelles si nécessaire. En d’autre termes, les enjeux de l’interculturalité sont un levier extrêmement puissant pour engager tout processus de croissance et de réalisation personnelle.
C’est en ce sens que je vous invite à vous intéresser à cette problématique et à le faire quand bien même vous ne vivez pas à l’étranger ou n’interagissez pas avec des cultures étrangères (ce qui à l’heure actuelle me semble difficile voire inquiétant).
En réalité, vous allez le voir, nous sommes tous, tout le temps, immergés dans un contexte interculturel. Nous avons donc tous, tout le temps, la possibilité de transformer les enjeux et défis qui en découlent en autant d’opportunité de croissance.
LA NOTION DE CULTURE
“La culture d’un groupe, c’est l’ensemble des caractéristiques
qui distinguent ses membres de ceux d’un autre groupe”[1].
Lorsque l’on parle d’interculturalité, on a coutume de considérer que la culture désigne la combinaison d’idées, de coutumes et de comportements que partage un peuple, un pays ou une société donnés. Ceci est vrai bien sûr.
Toutefois, la culture désigne avant tout la combinaison d’idées, de coutumes et de comportements que partage quelque groupe que ce soit dont les membres se reconnaissent sur la base de caractérisitiques et de signes d’appartenance forts, que ceux-ci soient visibles (comportement, langage, alimentation, expression artistique…) ou invisibles (des valeurs communes, une certaine conception du temps, de l’espace, etc).
Par conséquent, au-delà des cultures nationales (culture française, culture russe, culture chilienne…) il existe au sein même de celles-ci un grand nombre de groupes culturels liés à la profession, à l’âge, au sexe, au milieu social, à la région d’origine, etc.
Ces cultures sont toutes le fruit d’une histoire particuliêre et porteuses d’une vision du monde spécifique. Les comprendre suppose inéluctablement s’y intéresser au-delà des apparences et idées préconçues (soient-elles négatives ou positives).
AU-DELÀ DES APPARENCES…
LES ENSEIGNEMENTS DE L’ICEBERG CULTUREL
“La culture se compare à un iceberg dont les caractéristiques les plus représentatives se situent sous la surface. Les éléments culturels explicites sont souvent évidents mais ont moins d’influence que les éléments invisibles ou inconscients qui font contrepoids”

Les manifestations visibles de la culture sont le langage, l’alimentation, les usages, l’architecture, la mode, l’art… Les manifestations invisibles concernent les normes – c’est-à-dire ce qui est considéré comme correct, approprié et acceptable par le groupe culturel en question [2] – ainsi que les valeurs – c’est-à-dire les idéaux partagés par ce groupe, ce qui est important pour ses membres. Manifestations visibles et invisibles varient selon les pays mais aussi selon les autres groupes culturels.
Comme le montre parfaitement la symbolique de l’iceberg, les manifestations visibles de la culture representent une proportion très faible d’une culture en son ensemble, Pourtant, c’est sur la base de ces mêmes manifestations que nous tendons à accepter voire admirer ou au contraire rejeter voire mépriser telle ou telle culture, qu’elle soit nationale, sociale, professionnelle, ethnique et régionale, etc…
Or, la signification que nous donnons à ces manifestations visibles (qu’elles soient vestimentaires, comportementales, rituelles, artistiques…) n’est autre que la manifestation de notre lecture de celles-ci, laquelle se fait à son tour sur la base de nos propres normes et de nos propres valeurs, en tant que membre d’un groupe culturel donné.
C’est en ce sens que l’on dit que la façon dont on parle d’une autre culture en dit plus sur nous-même que sur celle-ci.
On ne voit pas l’autre tel qu’il est
On le voit tel que nous sommes
Car en vérité, pour appréhender et comprendre les manifestations et les codes d’un autre groupe culturel, il nous faut tout d’abord appréhender et comprendre les normes et les valeurs de ce groupe, chose difficile à mener à bien à un niveau global.
Par conséquent, il est fondamental d’accepter le fait que nous ne savons pas lorsque c’est le cas (et c’est souvent le cas). Ne pas le faire est un choix – et un droit – mais un mimimum d’honnêteté intellectuelle exige de nous que nous l’assumions comme tel.
Quant à accepter que nous ne savons pas, en prendre acte – c’est faire le premier pas vers ce que nous appelons l’Intelligence Interculturelle, laquelle invite à un merveilleux travail sur soi aussi bien que sur la culture de l’Autre.
“Il est illusoire de vraiment connaître la culture de l’autre. En revanche, il est nécessaire de se poser une série de questions sur les contextes dans lesquelles vivent nos interlocuteurs, sur la spécificité de leurs pratiques et de leur manière de fonctionner et sur les représentations que chacun a de notions trop vite supposées communes – le temps, l’argent, l’autorité, la nature… Nos évidences ne sont pas forcément celles de l’autre, nos références, nos conditionnements initiaux et notre éducation encore moins” [3]
INTELLIGENCE INTERCULTURELLE, CONNAISSANCE DE SOI
ET DÉVELOPPEMENT PERSONNEL
L’interculturalité est l’ensemble des relations et interactions entre des cultures différentes, générées par des rencontres ou des confrontations, qualifiées dès lors d’interculturelles.
L’interculturalité est donc en premier lieu une réalité inhérente à chaque individu puisque nous faisons tous partie de plusieurs groupes à la fois (selon notre nationalité ou notre région d’origine, notre profession, notre fonction, notre classe sociale, notre famille, notre sexe, nos affinités sexuelles, etc). Notre identité pourrait donc être considérée comme une synthèse personnelle et dynamique de cultures multiples.
En ce sens, l’Intelligence Interculturelle est tout d’abord une Intelligence de Soi.
Mais l’interculturalité opère a fortiori dès qu’il y a rencontre entre deux individus, quand bien même ils ne seraient pas de cultures “nationales” différentes puisque, comme nous venons le voir, la culture n’est pas seulement affaire de pays ou d’aire géographique mais du/des groupe(s) au(x)quel(s) nous appartenons tous.
L’interaction interculturelle, quoi qu’il en soit, en appelle à notre capacité d’écoute et d’empathie ainsi qu’à notre volonté d’échange et d’apprentissage. L’Intelligence Interculturelle repose donc sur une démarche proactive et constructive, similaire à n’importe quelle démarche de développement personnel. Et comme toute démarche de développement personnel, elle nous permet de nous connaître mieux (de connaître nos besoins, nos valeurs mais aussi nos limites), de nous affirmer avec sérénité, de nous ouvrir avec confiance et de démultiplier notre potentiel (plus de connaissances, plus de compétences, plus de ressources internes et externes, etc).
Dans un contexte d’expatriation prolongée ou de collaboration intensive à l’international, elle nous oblige à être au clair avec qui nous sommes et avec ce qui est important pour nous et à re-créer sur cette base une identité propre à nous affirmer et à nous épanouir dans ce contexte si particulier. Lorsque ce processus ne se fait pas naturellement, lorsqu’il se fait dans la souffrance ou lorsqu’il requiert une certaine urgence, il est définitivment recommandé de faire appel à un coach.
Celui-ci travaillera notamment avec vous votre rapport aux différentes manifestations invisibles des cultures qui font votre expérience du moment, y compris la vôtre. C’est en effet et bien évidemment cette partie immergée de l’iceberg qui l’intéresse avant tout puisque c’est là que se trouve la zone d’interaction interculturelle et c’est donc là que vous pourrez activer ensemble les leviers du changement et enclencher le processus d’apprentissage et de transformation qui nourrira et facilitera votre quête de développement et d’épanouissement personnels.
Cet article est le premier d’une longue série que vous pourrez découvrir dans la rubrique Intelligence Interculturelle et Développement Personnel. Tous les thèmes ici abordés seront ultérieurement traités plus longuement dans des articles spécifiques.
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[1] Philippe ROSINSKI, Le Coaching interculturel, Paris, DUNOD, 2009, p. 35. Pour l’ensemble de cette rubrique, nous avons repris Philippe ROSISNSKY, op.cit., p. 34-42.
[2] Il convient parfois de distinguer la norme abstraite de la norme réelle. Ainsi, par exemple, la non-discrimination figurerait plutôt la norme abstraite (ce qu’il convient de faire en théorie) tandis que la discrimination constituerait la norme réelle (ce qui se fait généralement, en pratique). Toute divergence entre ces deux types de normes engendre confusion et aliénation. Un coach est souvent amené à aider ses clients à prendre conscience de ces normes et de leur décalages éventuels.
[3] Michel Sauquet et Martin Vielajus, L’intelligence interculturelle. 15 thèmes à explorer pour travailler au contact d’autres cultures, Paris, Editions Charles Léopold Mayer, 2014, p. 27.
Bonjour madame Isabelle LECUROU.Grand merci pour vos articles et précisément pour celui qui traite de la sensibilité interculturelle.En effet,je partage l’idée selon laquelle “on ne voit pas l’autre tel qu’il est ,on le voit tel que nous sommes”.Je pense que les humains en général,ont un côté égoiste qui fait que nous voulons voir chez l’autre ce que nous aimerions voir chez nous .Nous avons du mal à accepter l’autre avec ses différences mais nous voulons le voir tel que nous percevons les choses ,tel que nous nous imaginons être nous mêmes:l’autre est perçu comme une projection de moi.Je suis tenté de me voir en lui.
A bientôt ,madame Isabelle LECUROU.Je vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année !
Gaven /talentscompetences.wordpress.com
Voir et accepter l’Autre tel qu’il est est effectivement un grand défi mais, comme tous les défis, c’est aussi une formidable opportunité de croître vers plus d’intelligence et d’authenticité. Je te souhaite une très belle année et te remercie infiniment de prendre le temps de partager ainsi tes impressions.